dimanche 1 mai 2016

Le nationalisme n'est pas l'extrême-droite



La dérive philippote (?) du Fn est à la fois consternante et payante: le parti se gauchise de plus en plus, sur le plan économique et social, et forcément, élargit son électorat.

De quoi se demander si depuis la chute de la monarchie, la France s'est-elle bien choisi librement un gouvernement de droite? Sans doute pas; le peuple français, foncièrement anarchique, foncièrement rêveur, brouillon, ingénieux et individualiste est foncièrement "de gauche". Mais cette gauche est une gauche introuvable, sans cesse brisée par des courants contraires et ramenée à la réalité difficile.

Philippot n'est pas le seul responsable de la dérive gauchiste du Fn; c'est Jean-Marie Le Pen qui l'avait initiée sous l'influence il est vrai, d'un certain Alain Soral (discours de Valmy, 2006). Il est indéniable qu'il y ait des tendances socialisantes chez le "nationaliste" Jean-Marie Le Pen. Se définir en dehors du jeu politique traditionnel vaut fatalement acceptation de certaines des idées des uns et des autres. Or l'ambition du Fn ne peut pas se résumer à incarner le nouveau Parti socialiste.

Ce parti qualifié abusivement "d'extrême-droite" n'est même pas de droite, selon quelques fondamentaux axiologiques! La peine de mort: le Fn au pouvoir déciderait d'organiser un référendum sur le sujet. Et pourquoi donc? Quelle perte de temps. Fr. Mitterrand n'a pas organisé de référendum pour l'abolir. Ce que le programme contient, le Fn au pouvoir doit l'accomplir et ne pas demander sans cesse son avis au peuple. Il y a d'ailleurs au Fn et dans la personne même de Marine Le Pen une dérive démocratique, une façon trop démocratique façon démocratie d'opinion de perdre son temps, de bien demander à tout le monde son avis et finalement de se retrouver comme Sarkozy ou Hollande, dans la situation de rois fainéants, communicateurs sans pouvoir ni autorité. Philippot a t-il accentué cette démocratisation verbale? Probablement: le techno bavard sans ancrage local est à l'aise dans cette démocratie d'opinion.

Mais les choses ne sont pas simples. Ainsi, j'approuve la marginalisation de Jean-Marie Le Pen non parce qu'elle est souhaitable mais parce qu'elle est nécessaire; Jean-Marie Le Pen incarne le parti d'avant qui n'a jamais voulu gagner. La rupture fille-père est certes difficile voire impossible et un homme devait s'interposer entre les deux. Je reproche même à Philippot de n'avoir pas été plus pugnace vis-à-vis de Le Pen père, de ne pas avoir pris plus d'aisance à ce moment-là, ne serait-ce que pour écraser ce qui reste d'antisémitisme, d'anti-franc-maçonnerie au Front national, ce qui reste du vieux parti d'extrême-droite.

Le nationalisme n'est pas l'extrême-droite. Plus vite le parti se débarrassera de sa vieille garde et de ses ringards tentés par la provoque antisémite et la répétition systématique des vieux slogans débiles attachés à l'extrême-droite française, plus vite le ressort du nationalisme nouveau style émergera, avec ses jeunes, avec son irrésistible ascension électorale, avec le rassemblement de couches de population diverses: prolos anciennement communistes ou socialistes, artisans et commerçants droitiers, bobos séduits par le souverainisme, dégoûtés en tous cas par le vide intellectuel et caractériel à gauche comme à droite. On peut même compter sur les "musulmans patriotes" dégrossis par A. Soral, suffisamment intelligents cependant pour ne pas continuer à suivre cette voie antisémite parano. A ce prix-là, le Fn peut être un parti de gouvernement.

Le nationalisme est quelque chose de nouveau; ça n'est pas la vieille extrême-droite décadentaire et antisémite. Philippot l'incarne en partie mais il vire trop à gauche; l'étatisme n'est pas la panacée dans un pays qui a appris en partie un libéralisme d'importation, qui doit désormais trouver ses propres marques libérales alors même que le Front national a viré... "anti-capitaliste". Les jeunes sont habitués pour une part à ce libéralisme; le Fn ne doit pas leur proposer comme seul horizon le fonctionnariat. La mue de l'Etat doit s'accentuer: on a dégraissé là où il ne fallait pas dégraisser, dans les ministères régaliens. On n'a jamais touché au gros des fonctionnaires mobilisables syndicalement. Dans le programme du Fn, daté, même pas actualisé, anti-sarkozyste à l'excès, la RGPP est fustigée alors qu'elle serait le minimum de toute politique raisonnable. C'est pendant cinq ans qu'il ne faudrait même plus embaucher un seul fonctionnaire, tout en dégraissant et reprenant en main les échelons locaux. Le Pen père est d'ailleurs lui-même responsable de cette dérive "anti-capitaliste" du Fn qui le place désormais trop à gauche.

Cette démagogie du Fn, aussi bien sur les sujets de société les plus importants (peine de mort, avortement, mariage homosexuel) que sur le programme économique ne lui assurerait qu'un électorat volatil dont il a l'habitude par ailleurs. Economiquement, le Fn doit se souvenir de ses origines libérales, être audacieux dans un pays et un paysage frileux; culturellement, il doit pallier à la lâcheté nationale de la droite, à la trahison populaire de la gauche; être plus offensif concernant l'islamisation, s'approprier le vieux rêve républicain d'unité et de fraternité en l'enracinant, le nationalisant complètement.

La rue Montorgueil pavoisée, 1878 par Cl. Monet