vendredi 10 juin 2022

L'art bobo-plouc existe

 


Brassy, dans le Morvan, n'est pas un village très beau. Son église est même plutôt moche; le choeur est enflé par rapport à la nef. Il y a quelques jolies maisons... ne parlons pas de la salle polyvalente. 

Mais la préoccupation principale du maire, c'est de faire du bruit, d'animer, de faire venir du monde, du bobo, du parisien, de l'étranger et les ploucs alentour, fascinés sans doute par l'énergie du maire et "l'animation" des lieux. A l'image du fluide et superficiel Président, le maire de Brassy voudrait faire venir tout le monde dans son village afin de réaliser le "vivre-ensemble" dont il rabâche l'importance dans son bulletin municipal. Des ploucs motorisés, des travestis et des militants de l'indifférenciation au même moment, le même week-end: pourquoi pas! Le bruit et la connerie ambiante en même temps, comme dirait l'autre; après tout, vont bien ensemble.

La gauche voulait élever et instruire l'homme autrefois. Qui songe à élever et instruire désormais? Qui songe à l'homme d'ailleurs quand se multiplient les professeureuhs et les autriceuhs et quand pullulent les ajouts en -e et -s à des mots devenus illisibles et imprononçables? A la campagne, on ne vient pas se reposer, contrairement à ce que vantent encore les dépliants touristiques: la campagne est devenu le terrain de jeu des citadins. Un maire digne de ce nom et digne de la culture ambiante, c'est-à-dire de pas grand chose, se doit d'être à la remorque des désidératas des citadins mondialistes, cosmopolites, déconstruits, asexués, théoriquement déchaînés contre le terroir et l'enracinement, pratiquement avides de tout envahir, contrôler, expérimenter, changer en "bien", comme dirait Ruquier. "Le bien des gens", telle est la boussole théorique et politique des bobos et des gogos. Là où les citadins sont, du reste, le changement est. Va pour Brassy, village non pas incendié par les Allemands en 1944 mais ravagé périodiquement par une foule d'imbéciles communiant dans un bruit indistinct, l'horizon indépassable de l'animation, les théories les plus absurdes.  Il y a aussi le bruit très localisé des sans-gêne qui prennent la campagne pour une boîte de nuit; la campagne n'appartient plus à personne sauf à ceux qui s'y déplacent ponctuellement. On anime aujourd'hui, quand on est un politicien quelconque: et pour tous les goûts, tous les secteurs et tous les segments électoraux.

Le maire garde un petit cachet plouc tout de même: ah, on a sa sensibilité rurale! Dans le village, qui se concentre en une place, on a tendu une corde à linge de l'église à une des maisons et devinez quoi: du linge pend dessus depuis déjà belle lurette. De l'art plouc en somme. Lors de la "Mad Jacques", course cycliste qui, au mois de juin, partie de Dijon vient précisément se finir à Brassy, on fait les choses en grand; et tout le village est parsemé de bouts de ferraille de vélo accrochés les uns aux autres pour former pyramide ou chose encore plus laide. C'est le maire de Brassy, il est comme ça! Il a presque inventé l'art bobo plouc à lui seul, un genre rural dans la catégorie sérieusement citadine de l'animation contemporaine.

Gageons que les nouveaux instituteurs du monde rural, travestis et autres théoriciens du sexe à la manque vivifieront les faces rougeaudes de nos édiles; de nouvelles formes d'art bobo-plouques sont à prévoir!