mercredi 10 juin 2015

Bref: le bobo parisien se croit drôle


Dans la Série: je suis un observateur cynique parisien et je pense que c'est drôle, la série: Bref. Je sais, je ne suis pas tellement à la page vu que cette série de squetches a déjà été diffusée sur Canal+ en 2011-2012. Mais je n'ai pas la télé! L'avantage d'internet, c'est qu'on décroche de la télé. Apparemment, la durée de l'émission n'était pas prévue, rapport au titre.

Bref, tout ça dérive du phénomène des (jeunes) types qui se croient bien drôles sur internet en mettant en scène leur vie passionnante. On a connu Norman et Cyprien, par exemple, que j'ai commentés. Avec Bref, on atteint quand même un summum en matière de sujets étriqués et de vitesse excessive de l'image. Moins les jeunes en question ont de choses à dire, plus ils le disent vite. Je précise que l'inventeur de cette série est un jeune homme d'origine iranienne né à Reims (Khojandi), ce qui ne l'empêche pas de passer pour un bobo parigot typique; la jeunesse est partout la même. Bruno Muschio, l'autre scénariste, est né à Aubervilliers en 1983. Versant positif: le nom de la série est français! Ca, c'est incroyable. Versant négatif: c'est très air du temps, c'est du cynisme décomposé, du faux humour absurde, trop rapide, pas drôle, bref, c'était fait pour la jeunesse et les bobos débiles de Canal+ qui ont apprécié, bien entendu. Le million de vues est généralement atteint sur Youtube avec des commentaires tous positifs sans faute (non, je rigole).

La vie étriquée de trentenaires qui en ont quinze de moins dans la tête: c'est à peu près l'essentiel. Canal+, la chaîne du jeunisme, a juste happé le phénomène. On s'y croit drôle depuis longtemps en attaquant non les valeurs en place, puisque les rigolos de la chaîne (Les Nuls, Groland, Robin des bois puis Bref)  les représentent, ces valeurs, des anti-valeurs en fait: lâcheté, dérision, narcissisme individuel, indifférence et mépris sociaux, issues lointainement de mai 68. Souvenons-nous que les soixante-huitards se sont tous reconvertis dans l'admiration du capitalisme armé et sauvage à l'américaine. Ainsi les rigolos de la chaîne ne font qu'attaquer facilement des valeurs qui ont déjà été détrônées comme le prétendu art contemporain s'imagine qu'il y a encore des choses sacrées et sérieuses à railler. Or, on ne rit pas quand l'attaque est trop facile...

Bref, j'ai pris le métro, par exemple. Bonjour l'aventure: on s'attend à une critique sociale serrée. Le personnage unique, à savoir un "trentenaire parisien anonyme chômeur et célibataire" (on se demande comment il survit à Paris) prend le métro et a des trucs à dire, bien qu'il reste coi et passif, comme dans la plupart des épisodes: "Sur ma ligne, y'a un mec, ça fait six mois qu'il s'est fait virer la semaine dernière" - "Ayant perdu mon emploi la semaine dernière... (le mec) " - Et comme tous les mendiants, il avait la même mélodie" - "Mes trois enfants sont morts (autre mendiant)... car je ne sais pas lire (encore un autre)... nanana-nanana (type puis fille)" - "Je me suis dit que ça ferait un super tube de l'été" - "Nanana-nanana... (sur musique techno)"... La pauvreté au bobo, ça lui fait penser à de la musique, qu'il écoute généralement d'ailleurs, dans un casque gros comme deux poings. On comprend bien ce qui a plu à "l'esprit Canal": zéro conscience sociale et mépris pour le pauvre qui, c'est vrai, s'est multiplié à Paris en même temps que les gros salaires indécents à la Denisot et Apathie. Or ces jeunes aiment la mondialisation, la compète, la flexibilité comme ils disent. Les cons sur Youtube reprennent en choeur: Nanana-nanana!

Ainsi va la vie des trentenaires actuels probablement: une vie concentrée sur des problèmes microscopiques, féminins, futiles. Enfin, les filles de mon époque n'étaient pas si féminisées, pas si narcissiques. Le narcissisme est aussi présent que l'homosexualité dans ces petits épisodes; c'est normal: il y a une correspondance parfaite entre les deux. L'époque est hyper-narcissique donc aime les homosexuels. La vie extraordinaire du trentenaire qui baille dans le métro et se fait agresser en restant de marbre se poursuit dans un autre épisode: Bref, j'ai envoyé un texto. On voit la portée du truc. Tout sort de son cerveau spontané adolescent génial... et y retourne. Quelle créativité! Pendant deux minutes (heureusement, c'est bref), le type essaie d'écrire un texto à une fille et décortique absolument toutes les idées qui pourraient lui passer par la tête pendant ce bref moment; c'est vite fatigant. Fin de l'histoire: en fait, c'est une gouine, une délurée qui accepte tout de même son rendez-vous. Ah, ah, super drôle. Tout le monde à poil: esprit Edika, Canal+, Libération. Les cons adorent car ils font la même chose tous les jours, avec leur petits émoticones et leur vie passée à ces conneries.

Bref, on ne peut pas faire plus microscopique comme centre d'intérêt: c'est pourtant raccord à l'air du temps. C'est créatif, c'est festif, c'est kikou, c'est de la merde: Je, je, je, moi, moi, moi pendant 80 mini-épisodes. Comme disent les jeunes, j'ai perdu dix minutes de ma vie.

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