jeudi 28 mai 2020

Rohmer et Pascal (2)

Je disais: le Conte d'hiver (1991) ne se comprend ou ne se soutient plutôt qu'à la lumière de Pascal et son pari pour l'immortalité. Sans Pascal, le film serait d'une nunucherie complète ou l'histoire d'une écervelée capricieuse qui se fait un film de sa vie passée avec un grand bonhomme séduisant qui n'apparaîtrait qu'en toute fin, comme un chevalier de conte de fée, comme une pure image, sans contenu. Ca n'est pas le cas malgré que Charles (Frédéric van der Driessche) apparaisse au début et à la fin seulement du film, comme un souvenir et une apparition soudaine et magique. Sa simple présence à l'écran en dit long. C'est la deuxième suggestion que je fais: de la même manière que Rohmer avait réussi à mettre en scène un penseur cher à son coeur, sans didactisme ni prétention littéraire, le réalisateur a évolué vers 1986-87 (à 66 ans!) en osant mettre en scène, enfin! des rôles masculins pour ce qu'ils sont et non pas pour ce qu'ils ne sont pas (type André Dussollier).


 Fin des belles vacances: Félicie et Charles se séparent sur un quai de gare; Félicie se trompe et lui laisse une fausse adresse.

Prenons par exemple le Rayon vert (1986) ou les tribulations d'une dépressive (Marie Rivière), qui plus est parisienne, à travers la France. Ce film est un cauchemar féminisé; tout y est hyper-féminisé: les actrices plates, les acteurs féminisés sub-existants, le rôle principal tenu par une névrosée instable, jamais contente, qui pleure pour un rien. Cinq ans plus tard, le personnage de Félicie (Charlotte Véry) est purement positif quand celui de Delphine était larmoyant, déprimant. Petite anecdote ayant du sens: Marie Rivière se retrouve accompagnant Charles dans Conte d'hiver lorsque Félicie les rencontre par hasard dans un bus parisien; c'est alors une simple amie et le faire-valoir du "héros" enfin retrouvé. C'est comme si Rohmer avait voulu signifier discrètement qu'il était passé de la sempiternelle psychologie féminine de ses films d'antan à la psychologie masculine, inexplorée jusque-là.

Un autre indice: la figure d'Alexandre (François-Eric Gendron) dans l'Ami de mon amie (1987) préfigure celle de Charles. Grand lui aussi, sportif, séducteur né, au sourire éclatant, il ressemble curieusement à un certain Premier ministre de l'époque... même ses personnages féminins, je l'ai noté, ont désormais des airs masculins, dans l'accoutrement en tous cas. Alexandre est employé réellement pour ce qu'il est, pas pour ce qu'il n'est pas, sans référence à la féminité. On peut noter également les scènes d'ouverture du Conte d'hiver qui comptent parmi les plus érotiques du cinéma de Rohmer; la timidité de Rohmer se dissipe et il filme Charlotte Véry nue dans les bras d'un homme sensuel, un homme dans une situation concrète comme dirait Sartre et non plus un "chrétien", un "philosophe", une figure parlante comme Jean-Louis dans Ma nuit chez Maud ou encore Loïc le bibliothécaire du même Conte d'hiver. Il y avait eu certes auparavant la sensualité d'Arielle Dombasle dans Pauline à la plage mais c'était la sensualité évidente d'une actrice-née, elle n'était pas particulièrement filmée...


Les retrouvailles inattendues dans un bus parisien et le dénouement du pari de Félicie; Marie Rivière en faire-valoir

Je dirais donc que le cinéma de Rohmer a évolué du didactisme le plus irritant, le plus révoltant et théâtral parfois à une confusion féconde et complète entre pensée et art, notamment dans Conte d'hiver, d'autre part d'un regard assez distant et froid posé sur ses propres personnages, un regard littéraire et hautain difficilement communicable, à un cinéma plus sensuel et sensé, plus réaliste et engageant dans lequel les situations concrètes et visuelles prédominent au détriment du langage, dans lequel la part masculine n'est plus niée, la part féminine plus encensée. 

à suivre...

lundi 25 mai 2020

Rohmer et Pascal (1)

En Europe, particulièrement en France, nous avons le grand avantage d'avoir un cinéma littéraire, en tous cas imprégné des références de la littérature et du théâtre de notre patrimoine. Beaucoup d'acteurs de cinéma sont aussi des comédiens, tel fut Michel Piccoli parmi bien d'autres. Pas sûr que les acteurs américains aiment tant brûler les planches, par exemple.


Eric Rohmer (1920-2010) était même le plus littéraire des cinéastes français. Comme on dit, on aime ou on n'aime pas; ma position est cependant alambiquée car si je ne l'aime pas fanatiquement et si beaucoup de ses films m'ont ennuyé, je n'ai pu m'empêcher de m'intéresser à lui voire de revoir et de mieux apprécier certains de ses films, comme Ma nuit chez Maud (1969). Il est aussi le plus intellectualisé et le plus théâtral des cinéastes (Perceval le Gallois, 1978); à première vue, ses films peuvent rebuter pour qui cherche un divertissement ou une impression de dépaysement.

Aucun des films de Rohmer ne commence par du badaboum. Les effets, comme la musique, ne créent jamais de dramaturgie. Ca n'est pourtant pas un cinéma réaliste à la Pialat: c'est même l'inverse. Ses intrigues sont plutôt ridicules: des intrigues de midinettes. Il y a beaucoup de femmes chez Rohmer; et leurs discussions soulèvent parfois une petite tempête dans un grand verre d'eau. Rohmer a été beaucoup plus intéressé par la psychologie féminine que masculine. Certaines de ses femmes sont féminines comme Arielle Dombasle mais d'autres ont un aspect masculin, comme Blanche (l'Ami de mon amie, 1987) ou Jeanne, le prof de philo de Conte de printemps (1990).
Les acteurs masculins ont d'ailleurs longtemps été des ectoplasmes dans ses films: André Dussolier dans le Beau mariage (1982) joue un personnage falot et lâche alors qu'il irradie de classe et d'élégance sans trop se forcer. Le film suivant, le plus fameux, Pauline à la plage voit la concurrence de deux hommes, l'un plus féminin et amical (Pascal Greggory ou Pierre), l'autre Féodor Atkine (Henri), naturellement plus viril, est le profiteur, l'hédoniste, celui qui veut jouir.

Mais soyons bref. Là n'est pas mon propos. Je veux parler du rapport que Rohmer avait avec Pascal et même avec la philosophie. Où trouverait-on dans le cinéma français un rapport aussi étroit avec la philosophie, qui irrigue particulièrement Ma nuit chez Maud? Dans ce film, Pascal est joué si je puis dire, explicité mais aussi illustré sur plusieurs points. Le livre même des Pensées est montré à la caméra au début, lorsque Jean-Louis, ingénieur nouvellement muté à Clermont-Ferrand (Jean-Louis Trintignant), l'ouvre dans une librairie. Le Pari apparaît alors en quelques mots: "Naturellement même cela vous fera croire et vous abêtira.
-Mais c'est ce que je crains.
-Et pourquoi? Qu'avez-vous à perdre?"

Le dîner chez Maud - la discussion autour de Pascal

Plus tard, au cours de la soirée chez Maud, Vidal, l'ancien camarade de lycée que Jean-Louis a retrouvé par hasard (Antoine Vitez) et prof de philo lui aussi, cherche "une référence précise aux mathématiques dans le texte sur le pari" et trouve les Pensées dans la bibliothèque de Maud. Il en lit un extrait. Au cours du dîner, l'ingénieur, qui connaît bien Pascal, a abordé plusieurs aspects à la fois de la philosophie mais aussi de la vie de l'auteur clermontois. Il s'en démarque du reste.

Beaucoup plus tard, Conte d'hiver (1991) retrouve Pascal et le pari mais pas de façon aussi approfondie, formellement en tous cas. C'est bien tout le film qui repose sur un pari aussi fou que sentimental, aussi mystérieux que volontaire: Pascal est alors juste évoqué au cours d'un voyage en voiture, après une soirée au théâtre. Loïc, bibliothécaire à Paris (Hervé Furic), amoureux mais pas amoureux fou de Félicie, la raccompagne chez lui, en banlieue, dans une maison cossue. 

Félicie, simple coiffeuse (Charlotte Véry), a une vie apparemment dissolue: après avoir aimé d'amour fou un homme rencontré en vacances, elle navigue entre Loïc et son patron puis se décide pour ce dernier, qui déménage le salon de Belleville à Nevers. Elle le suit donc mais pas longtemps. Dans un temps court en réalité, elle se débarrasse des deux hommes suite à une ultime révélation en la cathédrale de Nevers: "Avant, je me cassais la tête pour choisir et là, j'ai vu qu'il n'y avait pas à choisir, que je n'étais pas obligée de me décider pour quelque chose que je ne voulais pas vraiment." Maxence ne fait qu'une scène timide.

Loïc raccompagne Félicie. A l'arrière, la caméra passe de l'un à l'autre.

En voiture, Loïc, l'intello, est frappé par la conversation de Félicie, ses mots simples, son "inculture", son attrait de la vie et son mystère qui lui fait finalement trouver les mots qu'elle cherche. Chrétien et désireux de regagner Félicie, il essaie de la raisonner. "T'as peut-être raison, lui dit-elle, j'ai peut-être que très peu de chances de le retrouver et puis après tout, il est possible qu'il soit marié ou qu'il ne m'aime plus mais c'est pas une raison pour que je renonce..." Charles, le grand amour de vacances, cuisinier, voyageur et débrouillard, grand, halé, viril est le père de sa fille, Elise. "Mais enfin continue Loïc, si toi-même avoues que tes chances sont pratiquement nulles, tu vas pas gâcher ta vie pour... - Mais si, parce que si je le retrouve, ça sera une chose tellement... une joie tellement grande que je veux bien donner ma vie pour ça." Voilà le pari. A ce moment-là, Loïc fait la comparaison avec Pascal: "Il dit qu'en pariant pour l'immortalité, le gain est si énorme que cela compense la faiblesse des chances et que même si l'âme n'est pas immortelle, le croire permet de mieux vivre que si on n'y croit pas."

Dans ce film, la philosophie de Pascal vient donc en complément de la narration. Rohmer s'amuse à opposer l'intello à la fille intuitive et mystérieuse  ("Je n'aime pas ce qui est vraisemblable"... "Je suis beaucoup plus religieuse que toi"), le chrétien déclaré à la mystique sentimentale. Si l'on considère que Rohmer a encore pris Pascal pour point de départ, le film est incontestablement une réussite narrative, une insertion et une dilution de la pensée du pari dans le quotidien. Rohmer n'expose plus le pari en long et en large comme dans Ma nuit chez Maud: il le met littéralement en scène.

à suivre...

dimanche 8 septembre 2019

Le musée Rodin (2)

Exubérance et spontanéité: je les ai retrouvées dans nombre de statues de Rodin: le buste de madame Cruchet, par exemple, présenté dès le début, en terre cuite (1878). Jeune et jolie, madame Cruchet se caractérise particulièrement par sa toilette: une veste à large rebords, serrée à la taille sur une chemise à froufrous, une écharpe nouant encore la taille. Le jeu virtuose des noeuds et plis de l'écharpe, des froufrous se retrouve à l'arrière, dans une coiffure sophistiquée. Elle ne porte pas d'autre ornement. Pour le dire comme Cioran: "les éléments qui individualisent ont la priorité".

Le portrait de Victor Hugo, à l'étage (bronze, 1883), a été effectué à partir de quelques esquisses, Hugo ne voulant pas poser. Rodin saisit la vieillesse dans la fatigue des traits, une certaine acuité du regard mêlée d'une absence, d'une indifférence. C'est deux ans avant sa mort.

L'introspection se poursuit avec un buste du polémiste Henri Rochefort, fondateur de La Lanterne et de La Marseillaise, député de Paris. Décidé en 1884, le buste fut repris, agrandi en 1898. L'expression de concentration, d'absence de toute marque d'intérêt au monde extérieur rappelle la douleur des bourgeois de Calais. Seul le visage intensément recueilli est travaillé par le détail; les cheveux naturellement rebelles du journaliste font écho au buste volontairement informe, comme traversé de stries sauvages. (1) Rochefort lui-même semble provoquer ces mouvements. En jouant du négligé et du fini, de l'apparent et de l'obscur, le sculpteur a intégré la matière dans un résultat pensé globalement à la manière d'ailleurs des préhistoriques qui, à Lascaux, par exemple, utilisaient une forme naturelle de la roche pour économiser un dessin.



Madame Cruchet, terre cuite (1878); 70cm de haut


Victor Hugo, portrait en bronze (1883); 48,5 cm de haut


Victor-Henri (de) Rochefort en plâtre (1884-98), 72,5 cm de haut


L'approfondissement synthétique de la sculpture amène, ici, par le biais d'une économie de moyens, à renforcer le caractère individuel du sujet. Rochefort n'exprime ni la jeunesse ou la vieillesse mais un caractère type, absolument réussi parce qu'absolument personnalisé.

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Le jeune Cioran allait plus loin dans une analyse subtile et surprenante alors même qu'il n'avait à sa disposition que des images livresques. "Mais il y a également une autre forme du tragique... C'est le tragique de la vie qui ne peut se manifester, se déployer qu'en acceptant des limites." Il prend l'exemple de l'Illusion, soeur d'Icare, exposée au premier étage.

L'individualité n'est pas seulement une fatalité de la sculpture, c'en est une de la vie, tout simplement. L'Illusion se présente comme une figure nue plongeante, ailée dont seuls le nez et l'aile droite l'attachent au socle. On a alors l'impression d'une chute comme celle d'Icare, suivant son père mais lui désobéissant, volant de plus en plus haut jusqu'à ce que l'armature de cire de ses ailes fonde. La chute, si chute il y a, n'est pas tellement exprimée: la figure n'est pas crispée ou horrifiée, elle tombe d'un bloc. Ses membres ne sont pas précisément tendus, ses mains fermées ne trahissent pas l'inquiétude. Seule la position tournoyante du personnage évoque la fatalité, une déstabilisation. Cette fatalité, la figure s'y soumet complètement. Faut-il voir ici une figure qui cherche à "échapper à une insuffisance intérieure", traduisant le tragique humain, "qui doit accepter des formes pour être"?

L'éternelle Idole caractérise mieux le propos de Cioran, à mon sens. Autant l'Illusion que l'éternelle Idole proviennent d'ailleurs des travaux consacrés à la Porte de l'Enfer, exposée dans le jardin (années 1880). Le groupe de l'Idole monte du matériau brut, ce qui est l'inverse de la chute de l'Illusion. Un homme et une femme nus, encore pris dans la gangue se dressent l'un contre l'autre, l'homme servant en quelque sorte de marchepied à la femme, plus haut, plus formée, plus épanouie que lui. Elle a encore une jambe prise dans la gangue. Les mains de l'homme réunies dans son dos, collées encore au corps ou à la gangue, le poussent à l'avant. Il y a un mouvement en trois temps du chaos vers la forme. C'est une vision naïve du Paradis. Les deux formes humaines ne se séparent encore qu'imparfaitement. La femme épouse l'élan masculin vers la forme: sa cuisse droite est collée au torse masculin et la tête de l'homme trouve un appui en biais au-dessus du ventre de la femme; celle-ci, en position plus équilibrée, nécessairement penchée vers l'arrière, agrippe d'une main son pied droit.



L'Illusion, soeur d'Icare (marbre, 1896), 96 cm de long


L'éternelle Idole (v. 1890-93, plâtre), 73,2 cm de haut

L'éclosion de la forme est alors totalement exprimé. Le tragique de la forme limitée est décelable intuitivement. Il survient dans la forme qui surgit de son origine chaotique, plongée dans un délice érotique, inconscient de son destin. Le sculpteur leur a insufflé, comme à Icare, le désir de vivre le plus naïf. Le visage féminin exprime la douceur, les yeux fermés, la langueur. Ils sont encore heureux d'appartenir à la gangue. Dans leur lent éveil à la forme, ils n'ont pas encore conscience d'être séparés. (2) Icare en sombrant appartient déjà au chaos qu'il avait quitté; il a dépassé la conscience individuelle. Rodin ne raconte pas son histoire mais bien celle de la forme.


(1) Drôle de tête d'ailleurs... un front énorme et qui ressemblerait à un front d'hydrocéphale s'il n'était carré et aplati aux tempes: signe particulier des siffleurs, serpents et pamphlétaires... Sur cette tête-là, des cheveux drus, droits et noirs comme un bonnet à poil hérissé par l'électricité..." Le portait qu'en dresse Jules Vallès correspond fort bien au buste de Rodin. "A monsieur H. Rochefort, rédacteur en chef de la Lanterne", Le Figaro, 16 mai 1868.
(2) La douleur de la séparation d'avec le Tout, tout poétique, mystique, divin, inconscient, involontaire, douleur marquée par la conscience individuelle, constitue la trame essentielle de l'oeuvre d'Emile Cioran (1911-1995).

jeudi 5 septembre 2019

Le musée Rodin

Dernière étape de mon séjour estival parisien: le musée Rodin. Là encore, c’est une complète découverte. Qu’est-ce que j’ai découvert: un artiste et un hôtel. Rue de Varenne, près du boulevard des Invalides gît un de ces hôtels particuliers de l’ancien faubourg Saint-Germain qui sont à peu près tous devenus des adresses ministérielles. L’hôtel (de) Biron n’est pas le moins beau (Jean Aubert, 1727); il possède encore comme l’hôtel Matignon un jardin important. (1) A la veille de la Révolution, la rue de Varenne était une rangée d’hôtels particuliers; leurs jardins s’étendaient, pour certains jusqu’à l’actuelle rue de Babylone, ceux de l’hôtel Biron, par exemple. Le jardin, à l’hôtel Biron, débutait même dès le côté de l’édifice, contrairement à l’usage. Aujourd’hui le musée est compris dans le jardin, la cour d’honneur étant devenue une cour pavée entre deux roseraies.



L’hôtel Biron (1727), la façade d’honneur


La façade arrière sur jardins

Rien ne peut plus m’enchanter que cette architecture classique allégée de la période rococo ou baroque. Les refends soulignent les ressauts ou viennent seulement individualiser les ailes sur la façade arrière, qui prennent la forme de la pagode chinoise à la mode. (2) L’architecture est claire, lisible, aérienne. Les appartements se lisent à travers le mur. Chaque partie du bâtiment possède son toit; de grandes ouvertures l’une sur l’autre, sont toutes variées dans leur cintrage; leur espacement augmente vers les ailes. Le décor se compose principalement de clés d’arche, sous forme de masques, de consoles au balcon à l’arrière. Le tympan sculpté s’admire des jardins. La façade avant groupe, au corps central, trois baies cintrées superposées, surmontées par un fronton nu. Comme à Vaux-le-Vicomte, les espaces de réception étaient privilégiés, centralisés et naturellement s’ouvraient aux jardins.

Le musée commence dès le jardin avec par exemple, le Penseur, habilement placé au centre de la roseraie Ouest, au sortir de la billetterie, déjà entouré de touristes photomaniaques ce dimanche matin. J’ai bifurqué vers le côté Est où l’on trouvait aussi bien le Monument aux Bourgeois de Calais. C’est une copie en bronze aux dimensions exactes du groupe de Rodin, exécuté après sa mort (L.: 2,66m - H.: 2,19m). La fonte originale, terminée en 1889, se trouve encore sur la place de l’hôtel de ville, à Calais. (3) Les bourgeois emmenés par Eustache de Saint-Pierre, gouverneur de la ville, se rendent en groupe, en chemise et la corde au cou, remettre les clés de la cité assiégée au roi Edouard III qui, la chose faite, rentra de sa chevauchée militaire en Angleterre (1347). Les Français ont essuyé une cuisante défaite l’année d’avant à Crécy-en-Ponthieu (Philippe VI de Valois).


Le modèle en plâtre (1889), musée Rodin 

Les bourgeois ne forment un groupe que formellement. Ils sont devant le désarroi qui les possède, animés d’un effroi, d’un désespoir qui les isole chacun. J’ai naturellement du mal à appréhender la sculpture mais directement, je fus impressionné. Je me suis souvenu alors que ce que disait Cioran de la sculpture de Rodin dans un vieil article, était vrai: les personnages ne peuvent pas communiquer, ils sont tout entier tournés vers leur drame intérieur. "La sculpture garde une note d’impersonnalité... les éléments qui individualisent ont la priorité", écrivait-il (1932). "L’individualité est chez lui dépourvue de mystère", "Dans la vision de Rodin, l’individualité se manifeste par l’exubérance et la spontanéité", "La mort, telle une apparition transcendante, arrête et brise l’élan de la vie." Ce n’est donc pas un effroi de la mort survenant lors d’une lugubre méditation mais une impression ressentie brutalement, un arrêt extérieur qui change et trouble gravement ces personnages. Passons sur le fait que la ville était assiégée depuis fort longtemps; le jeune écrivain roumain voulait établir que "le fond n’est pas signifiant pour la sculpture", au contraire de la peinture, que "Rodin est celui dont l’art engage le moins notre fond originel, notre nature intime." Ce que je comprends: le sculpteur est obligé de traiter la limite des corps dans le temps et l’espace et ce faisant, de marquer l’individualité; il ne peut pas jouer au-delà. En sculpture, la vie et l’aura qui s’en dégage se résument à l’individualité des corps. Au-delà spatial, au-delà temporel et donc au-delà spirituel sont difficiles à obtenir. La lourdeur de la matière travaille contre l’élévation de la sculpture, en somme: en témoignent ces trop nombreuses figures allégoriques, risibles par leur excès de matière.



Profonde intériorisation des personnages, incapables de communiquer

Le musée a d’abord été la maison du sculpteur vers la fin de sa vie. Il louait plusieurs pièces du rez-de-chaussée avec d’autres artistes dont Matisse puis devint le seul occupant en 1911. Il y avait une collection d’antiques. Pour une première visite, je n’ai pas fait attention nécessairement à tous ces détails; encore une fois, j’étais avant tout charmé par l’élégance du lieu puis je me suis intéressé à certaines de ses sculptures plus qu’à d’autres.

Je fus ébloui, je me souviens, par la rotonde Est, par son décor architectural avant de m’attarder sur le saint Jean-Baptiste qui s’y trouve. Cette salle ovale, qui correspond à une aile puis la salle suivante sont les plus riches au rez-de-chaussée sur le plan du décor: lambris, glaces, stucs, dessus-de-portes peints, tout y est agréablement XVIIIe, ce style rocaille ou Louis XV merveilleusement traduit encore à l’hôtel de Soubise. (4)




Lambris et dessus-de-porte de la Rotonde Est


Saint Jean-Baptiste, bronze (modèle de 1880)

Le saint Jean-Baptiste de 2m03 révèle un corps svelte et vieilli, musclé, noueux comme un bâton de paysan. C’est un paysan italien que Rodin a pris pour modèle. L’allure entraînante, le doigt semblant suivre le cours de sa pensée ou de sa prophétie, les bras veinés, les muscles du cou tendus, la sculpture se résume à la ferveur énergique du saint. C’est tout à fait le contraire des bourgeois: Jean-Baptiste communique au monde entier sa ferveur messianique. Cioran alors ne pourrait pas dire qu’elle est provoquée par un événement extérieur, que Jean-Baptiste réagit à un arrêt du Destin et pourtant, l’individualité de Jean-Baptiste n’est-elle pas manifestée par "l’exubérance et la spontanéité"?

Peut-on voir pour autant un au-delà de cette sculpture? Le doigt courbé, à moitié levé, ne fait-il pas référence à Jean-Baptiste lui-même, à son animation intérieure, à son tumulte prophétique? La main gauche d’ailleurs désigne le sol, de façon plus ferme, façon de ramener la sculpture à ce qu’elle est: un travail sur la matière. (5) "Dans l’Homme au nez cassé ou dans saint Jean-Baptiste, le fond est très accessible..." dit simplement Cioran. Voyons. L’Homme au nez cassé se trouve dans la première salle de visite. Nous remontons le temps. Rodin est parti d’un portrait individuel qu’il a déformé. Il ne s’agit pas d’un boxeur mais d’un portefaix du quartier Saint-Marcel. Rodin lui creusa des sillons en forme de rides, lui cassa le nez, lui ajouta une barbe. Un fin bandeau sur les cheveux, la présentation en buste en fait quasiment une figure de philosophe à l’antique. In fine, le portrait reste un portrait et pourrait passer pour celui d’un boxeur récompensé. Rodin rejoint alors les fameux portraits antiques réalistes, hellénistiques ou romains.



L’homme au nez cassé, 44,5cm de haut, marbre de 1875, modèle de 1863

Même si Rodin, au début, voudrait idéaliser quelque peu son modèle, il ne fait que créer un autre personnage dont l’individualité se manifeste bien par la vitalité. Le nez tordu, épais, les sillons des joues, la barbe touffue, les mèches, l’oreille boursouflée donne une image apaisée sur la vie tourmentée d’un champion, d’un lutteur; autant dire que c’est le portrait de la vie qui s’est maintenue coûte que coûte, qui s’est battue. "La vie se manifeste dans sa plénitude..." Cioran veut dire: la vie immanente se manifeste... la vie comme un donné brut, indépassable parce que suffisant en soi. Il y a d’ailleurs une figure antique de boxeur en bronze, assis, le dos voûté, la tête tournée vers un ordre ou un résultat, la bouche ouverte, les oreilles en chou-fleur et le nez long cassé dont Rodin s’est peut-être inspiré...

A suivre...


Le lutteur du musée des Thermes (Rome), bronze hellénistique, 1m20 de haut, IIIe-IIe s. av. JC.


(1) L’hôtel Matignon, dans la même rue, possède le plus grand jardin particulier de Paris.(2) A l’hôtel Matignon, on trouve une pagode centrale à trois pans à l’avant, côté cour et à l’arrière, côté jardin (Jean Courtonne, 1724).(3) L'original réel est la maquette en plâtre du musée. De son vivant, Rodin (T 1917), a fait fondre trois fois le même groupe pour des commanditaires étrangers. Le groupe du musée Rodin date de 1926.
(4) Par Germain Boffrand, années 1730. Rue des Francs-bourgeois, Marais, musée de l’histoire de France.
(5) On retrouve la même attitude dans l’Ecole d’Athènes de Raphaël (Vatican, 1509-10), décomposée en Platon et Aristote. Mais Platon montre clairement le ciel des Idées, un au-delà tandis qu’Aristote lui oppose la réalité du sol qui se déploie avec faste dans la lunette. La peinture peut donc signifier des choses abstraites qui se comprennent sans être représentées.

samedi 10 août 2019

Le musée du quai Branly


Le musée côté quai

Une autre étape de mon séjour parisien, une autre nouveauté: le musée du quai Branly que je désirais voir depuis son ouverture, en 2006. Comme on sait, Jacques Chirac en fut l’ardent promoteur, lui que l’Europe ennuyait, que l’Asie fascinait comme Nicolas Bouvier.

Pendant cette semaine de canicule, j’échappais à la foule stupide venue s’agglutiner par milliers sur le Champ-de-Mars, devant le mur de verre qui entoure la tour Eiffel et désormais remplace nos frontières. Par bonheur, le musée reste semi-confidentiel; je n’aime rien tant que les petits musées de province vides. La grande vision de J. Chirac est restée celle d’un homme seul.

Le musée s’insère dans le quartier, sans y avoir tout chamboulé. Il n’y a pas de façade sur le quai à part un stupide mur végétal, limité, qui ne vieillira pas. La haine du mur continue de posséder les architectes. Ils en reviendront bien un jour. Jean Nouvel, encore lui, a conçu un musée-jardin, un musée qui certes ne se caractérise pas par un axe ou une façade mais comme une circulation, une déambulation, un tournoiement. On passe sous le bâtiment principal qui ondoie d’ouest en est, on fait le tour de piliers de diverses tailles pour mieux aller d’un côté du jardin à l’autre, on n’aperçoit du musée que des parallélépipèdes colorés sortis du mur en hauteur, mur de verre strié d’entretoises: couleurs ocres et terres en abondance. Là aussi, le mur en soi est détruit, nié, vilipendé. Le plafond de ce passage central est presque un objet d’art; la ligne claire le rebute. C’est plus une caisse volumineuse, une coque, une enveloppe décidée par les circonstances. Sa fonction doit être cachée.



Le passage, un restaurant et plus loin, la rue de l’Université


On monte doucement vers la librairie et l’entrée

On monte doucement en effet, après le passage, vers l’entrée, suivant une forme blanche arrondie croissante en horizontalité, peut-être là aussi une forme naturelle. L’entrée n’a rien de spectaculaire; reléguée dans un petit côté, elle permet de parcourir le bâtiment dans toute sa longueur ou presque.

L’aventure commence à l’intérieur! Bien que j’aperçoive plusieurs directions, une curieuse rampe attire mon attention, qui serpente depuis le sol jusqu’à un sommet indéfini: c’est là qu’il faut aller. Cette rampe sinueuse, animée par une projection continue et mouvante des différents noms de peuples représentés, m’entraîne lentement à l’intérieur; dès le départ, une sensation étrange quoiqu’agréable s’installe. Ce musée ne ressemble à aucun autre. Dans la pénombre, en hauteur changeante, on distingue diverses parties, des gens en bas, une réserve sous verre: a-t-on pris la mauvaise route? Je continue, attiré décidément par la longue sinuosité de cette immense tapis presque volant.

J’arrive enfin au niveau des collections, à peu près au milieu de celles-ci, me dis-je. La dernière partie de la rampe est la plus sombre: dans ces conditions, le visiteur européen, habitué à penser les choses plus ou moins abstraitement, se voit dépouillé de sa prérogative. Le musée est comme un être organique: on s’y déplace d’abord par les sens. Au sortir de la rampe, je suis à un carrefour; l’Afrique me semble être à gauche. Je distingue le passage vers l’Amérique. Mais c’est l’ancien musée des arts africains et océaniens que je voudrais découvrir avant tout; je ne l’ai pas connu.



Le plateau des collections, au sortir de la rampe

Alors je prends à droite où se dressent d’inquiétants ou de curieux totems. A cette époque, les plus grands étaient réunis à cet endroit. Pendant quelques minutes, je restais plongé dans un pur ébahissement, ne connaissant pratiquement rien à ces arts. On ne sait comment nommer ces choses qui sortent du cadre de nos habitudes; la sculpture est surtout présente bien qu’elle soit gravée, liée, peinte, ajourée, mélangée à des matières textiles. Les masques sont déroutants, envoûtants: ces grands yeux explosés... Ils n’ont pas d’expression. Ils englobent le monde alentour. Ils sont la Nature même, dans ses forces brutales, ce qui plaisait sans doute à l’européen cynique et désabusé J. Chirac. Partout l’homme est en contact avec la Nature. Il est animalisé ou même il est la Voix de la Nature.

"Art primitif, art tribal": ces expressions conviennent parfaitement à des populations qui non seulement ont régénéré l’art européen académique du début du XXe siècle mais n’ont pas eu la distance nécessaire pour conceptualiser les choses de la Nature; elles sont restées mentalement préhistoriques. Ce qu’on voit dans ces représentations humaines à foison, c’est que l’homme y reste flou, présent comme le requin ou le chien, présent à la Nature, comme un être parmi les autres, inconscient de son autonomie, innocent de son pouvoir prométhéen. Il est ce que dit Homère des guerriers troyens qui "vont, pareil à la bourrasque déchaînée par les vents farouches", bourrasque qui "vient s’abattre sur la terre, pour aller ensuite, dans un fracas prodigieux, se heurter au flot marin..." L’homme est le jouet de la Nature et des puissances divines; il tire toute sa force de tous les liens qui le rattachent à la terre, la mer, aux puissances occultes. Il n’en demande pas plus.



Art tribal: l’homme est partout présent mais comme décor, pas comme sujet


La figure humaine n’est jamais naturaliste

Yeux ronds énormes, yeux sombres perforés, nez aquilin ou plat, bouche fendue ou inexistante, visage anthropomorphe sans corps, la figure humaine n’est jamais naturaliste. Puisque l’homme ne se conçoit pas lui-même comme un être original dans la Nature, il ne saurait avoir une nature propre et se représenter dans son originalité, son individualité. Il est hors de l’histoire, dans une Nature éternellement présente; sujet de la Nature, il est aussi sujet du Temps. Il est amusant de constater l’attirance du néo-révolutionnaire en chambre J. Chirac, faux conservateur en France, pour ces cultures résolument conservatrices, qui ne connaissent que la pensée mythique, le retour éternel du même temps, qui ne conçoivent aucun progrès humain dans le Temps, aucune histoire individualisée, qui vivent sous la coupe d’une morale mythique et religieuse. Pusillanime en France, J. Chirac avouait ses vraies inclinations par le détour du banal ethnomasochisme blanc. N’y a t-il pas d’ailleurs chez les bobos fascinés par l’ailleurs et les cultures les plus primitives, un dégoût de la pensée rationnelle et scientifique, du progrès des techniques, un rejet du poids de l’histoire individualisée, de la conscience humaine? Autre temps, autres moeurs; les ancêtres idéologues de ces bobos fatigués appelaient au progrès technique, à l’émancipation humaine universelle, à l’instruction...

La plupart de ces objets sont de fabrication récente: XIXe ou XXe siècle. Seuls les Européens les ont considérés comme des oeuvres d’art; pour leur auteurs, ils n’étaient qu’une production artisanale réplicable à l’infini dans le temps, dans le temps qui justement n’a pas de sens dans la conscience. Le temps est le même aujourd’hui ou il y a dix mille ans pour eux. L’objet n’a, encore là, pas de fonction autonome; il ne signe pas la qualité de l’auteur ou l’originalité humaine. Il signe la voix de la tribu, le rapport aux morts, aux ancêtres, l’appropriation d’une force, l’atténuation du sort.

Je suis passé à l’Afrique, délaissant volontairement l’Asie et pour finir, je suis passé rapidement par la collection américaine. C’est encore une fois, le musée des arts africains et océaniens que je voulais visiter. Le musée reflète l’époque post-européenne, post-classique que nous vivons, promeut l’idéologie globaliste et relativiste sur fond d’ethnomasochisme européen et rejette carrément la distinction qui ne peut être rejetée entre préhistoire et histoire, entre l’inconscience mythique et la conscience douloureuse de l’individualité humaine. Or les cultures précolombiennes ont franchi ces étapes vers l’individuation, avant l’arrivée des Européens: en témoigne l’écriture apparue chez les Olmèques, avant notre ère, en témoigne le naturalisme de la figure humaine dans cette céramique mochica (lèvres épaisses, yeux cernés, nez épaté):



Vase-portrait mochica, Nord-Pérou, 100 av. - 600, coll. partic.

Comparons-la avec ce masque africain du début du XXe siècle, ramené de Côte-d’Ivoire, présenté au musée:




La différence saute aux yeux: l’artiste africain, bien qu’il exprime certains traits anthropomorphes et culturels propres à son peuple (narines écartées, bouche charnue, touffe de poils au menton, rangs de perles boursouflées dans la peau), ne veut pas représenter fidèlement la figure humaine. Il allonge le visage vers le bas, l’ouvre vers le haut, étire démesurément les paupières, réunit arbitrairement nez qu’il a pincé et sourcils. Profondément abstrait parce que lié à une mesure du temps qui n’est pas humaine, l’art africain ou l’art primitif en général devait ouvrir les voies de l’abstraction européenne, qui elle, par contre, s’est fourvoyée dans des limites de temps de plus en plus courtes, pratiquant l’accumulation et la confrontation, pas la continuité et la répétition.


P. Picasso, les demoiselles d Avignon, 1907, fait à Paris, cons. à New-York

Les Demoiselles d’Avignon par Picasso, ou l’instantané artistique d’un bordel, fut le manifeste, comme on dit, du cubisme, la traduction surtout, inspiré par les masques africains, de la décomposition ou déstructuration de la figuration académique telle que pratiquée depuis la Renaissance, figure proche de la nature à trois dimensions dans une perspective rationnelle que l’impressionnisme encore essayait de maintenir. Ici, la perspective droite n’importe plus, les plans sont mélangés, s’enchevêtrent ou s’entrechoquent, les lignes de fuite proviennent de l’intérieur du tableau et non plus du point de vue extérieur. A remarquer: ce n’est pas ce qu’essayait de faire l’artiste primitif qui ne considérait pas que la tradition pût être dépassée. L’asymétrie, la rudesse des formes et la pauvreté apparente du trait mettent à bas tout l’édifice renaissant et également, la place de l’homme européen, place harmonieuse et dominante dans un monde ordonné. 

Il y a des traits primitifs dans toutes les civilisations conservatrices par nature, qui n’imaginent pas dépasser la cause des ancêtres; la Chine par exemple. Mais celle-ci, comme d’autres en Asie était parvenue dès l’Antiquité à un degré de civilisation, de complexité sociale et technique sans commune mesure avec les peuplades africaines et océaniennes, dont certaines ne connaissaient encore au XIXe siècle qu’un mode rudimentaire d’agriculture et pas même l’écriture. (1)

Il est beaucoup plus logique et pertinent de rendre hommage à des cultures résolument préhistoriques et primitives, (2) disparues depuis mais vivant d’ailleurs encore dans le prestige de leur antique production artisanale que d’amalgamer ensemble des aires de civilisations à la fois préhistoriques et historiques, primitives et sophistiquées, sous prétexte de remords occidental. Ces cultures ne sont pas premières dans le temps (Lascaux ou la Grèce sont bien plus vieilles) et elles ne furent réellement distinctives que par leur durable caractère primitif, mythifié et abstrait.


(1) Il en va de même de certaines tribus purement préhistoriques de l’Amazonie profonde.
(2) Comme on le fait pour les Celtes en Europe, nomades portés à l’abstraction figurative.