mardi 25 juillet 2023

Un petit tour à Lormes (1)




Le mannequin érotique dans sa cabine: ou comment remplacer l'utile socialement par du laid fantasmatique et superflu - "Chacun cherche sa joie" dans un monde dévitalisé, sans sens ni repère - un "art" conceptuel s'étale dans la rue, envahit l'espace à défaut d'avoir un contenu


    Lormes est une cité charmante du Morvan; j'aime me promener dans ses rues pentues et passer de la petite butte où se trouvait un ancien château dont les ruelles rappellent le contour à la grosse butte qui la jouxte et au sommet de laquelle croît l'église saint-Alban, pas très vieille. Toute la ville est un moutonnement de buttes épaulées les unes sur les autres, séparées par des vallons dont on a fait des rues: Paul Barreau et du Pré-d'Audon, du pont-National, la route de Narvau qui descend abruptement vers Corbigny, laissant à droite des gorges synonymes. Il fait bon se prélasser à la terrasse du Grand café (1) et, entre un chapelet de cyclistes moule-burnés, bardés d'un inévitable et grotesque casque à bananes, et le bruit fuyant des voitures électriques qui passent, on aperçoit, si l'on est chanceux, quelques déesses nordiques, blondes géantes généralement plates.

La ville attire en effet chaque année une petite colonie néerlandaise qui vient occuper le camping et les abords de l'étang Goulot. Cette invasion régulière est tout à fait bénéfique et supportable. On ne peut que regretter cependant l'architecture déplorable de l'hôtel de ville, en point de mire de la place principale, (2) avec son faux portique décalé; deux travées à gauche, une à droite. La tromperie de l'architecte, qui voulait donner une direction à la place, ne tient pas longtemps. Enfin, c'est une place agréable.

Lormes n'échappe pas à la règle de l'animation bobo; ce ne sont plus les paysans qui amènent la vie un jour de marché mais les touristes à sandales ou des pieds-plats eux-mêmes, les nomades, les désenracinés, les "artistes". Logiquement, les mentalités changent. L'animation, le superflu, le toc et le laid remplacent la production, l'utile, le solide et le goût du beau, qui n'a rien de spontané. Un des exemples les plus frappants est le remplacement, rue du pont-National, d'une antique quincaillerie-arts de la table, en deux vitrines par un "artiste" qui expose, toujours en deux vitrines payées par la ville, sa manie du rose, son bric-à-brac de désaxé stupide et influent. Toujours couvert par la ville, il a installé dans une vieille cabine téléphonique, qu'on pouvait garder telle quelle, un mannequin cyber érotique. Actuellement, il couvre encore d'images de grand format sur tissu acrylique une palissade en face de son magasin, masquant un immeuble démoli (depuis 2021). C'est une exposition, une énième. Monsieur s'étale un peu partout. (3) Pire, avant de toucher à la place, la rue se termine par... deux autres galeries d'art. Reste plus haut l'enseigne d'une ancienne boulangerie...

A défaut d'avoir une population travailleuse, les villes doivent désormais être festives et arborer de petits parapluies colorés d'une façade à l'autre. La couleur a remplacé la sueur. Il n'y a plus l'industrie, la production pour soutenir des "services" qui n'en sont pas. (4) La France est devenue un pays fluide de bobos débiloïdes, toujours en vacances, toujours en train de voyager ou de communiquer, d'acheter ou de vendre. Si la côte Fleurie est le 21e arrondissement parisien, le Morvan (des lacs) en est le 22e. (5) L'artiste-animateur-brocanteur est le prophète du nomadisme improductif. Il fait la fête: enfant gâté, tout lui est dû. Partout où il se déplace, c'est la fête, la joie. Les maires, comme les parents, s'aplatissent devant les enfants gâtés. Celui de Lormes, à la remorque du moindre frisson contemporain, de la moindre publicité, favorise la vulgarité, la nullité inhérentes à ces niches transplantées d'artistes bidons, qui veulent surtout révolutionner les moeurs, imposer leur monde mental à la fois autoritaro-féministe et saturée d'images érotiques, désaxées, déconstruites; ca fait cent ans et plus qu'on subit cette engeance de (petit-)bourgeois anti-bourgeois, depuis Marcel Duchamp... encore les artistes d'autrefois n'avaient-ils pas la prétention de détraquer vainement l'orthographe par souci féministe obsessionnel ou la manie d'envahir le moindre village... ces nouveaux hussards sont des filous, des vendeurs d'alcool frelaté sur les routes d'une France abîmée dans l'individualisme et le libéralisme mondialisé.

A suivre...

(1) Les cons diraient: "sur la terrasse..."

(2) appelée sans originalité... François Mitterrand.

(3) "L'Oeil à facettes", en plus d'être un studio photographique et de vendre quelques vinyles ou un peu de brocante, proposait à l'été 2021 "une master class de deux jours" pour qui voulait  "découvrir les liens forts entre la philosophie et photographie". Sic, comme dit l'autre. L'abus de l'anglais signe le bobo déconstructeur. Cette "formation" champêtre se montait à 120 euros pour dix heures. Dix heures! pour essayer de trouver quel philosophe avait parlé de la photographie après 1827?

(4) A part quelques éleveurs, un agriculteur et un pépiniériste-horticulteur, Lormes ne produit rien; je ne compte aucun artisan. Par contre les gîtes ont fleuri et aussi les symposiums, ateliers d'artiste, galeries d'art, "master class" et pseudo-formations, recycleries et objets vintage, brocantes parisiennes... chaque été, dans le moindre patelin, on ne compte plus les expositions et autres festivals.

(5) Par bonheur, moins de passage cette année... les années rhume-19 (2020-22) furent terribles: voitures, campings-cars, motos, fêtes improvisées... une vraie autoroute!

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