'A Cry in the night' (1982), publié en France l'année suivante
'Cry' comme substantif ne veut pas nécessairement dire "cri" mais éventuellement "appel au secours", une "forte vocalisation" venant d'un enfant ou d'un animal ou encore une prière. Bien que l'héroïne, perdue la nuit dans une forêt glacée du Minnesota, se mette à crier à l'aide, le titre retenu en français est un peu simplificateur. Elle se met aussi à prier lorsque ses enfants auront été enlevés par son mari...
Ce livre se place dans les premiers romans de MHC., après la Maison du Guet (1975) et La nuit du Renard (1979), que j'ai lus. Where are the children?, le titre anglais de la Maison du Guet, est plus explicite; un ex-mari pédophile refait surface dans la vie de Nancy, en Nouvelle-Angleterre, sous une fausse identité: il lui enlève les enfants qu'elle a eus depuis d'un autre homme... Dans un Cri dans la nuit, l'enlèvement des enfants est plus une péripétie mais le thème du mari psychopathe demeure; la situation est inversée: le "bon" mari est placé avant dans l'histoire, c'est le nouveau qui, d'une certaine manière, masque son identité lui aussi avant de révéler peu à peu sa vraie nature, une fois sa capture faite. A chaque coup, le tueur psychopathe prend soin d'accuser, par divers moyens, sa femme ou son ex-femme des crimes que lui, a commis.
Contrairement à la Maison du guet d'ailleurs, le style narratif du Cri dans la nuit est celui d'un roman classique, à l'encontre du style qui deviendra sa référence: une succession de tableaux plutôt courts illustrant des personnages, actions et lieux divers. Toute l'action est ici centrée sur une héroïne, Jenny, jeune néo-yorkaise employée dans une galerie d'art, chargée de deux filles en bas-âge, "une femme divorcée chef de famille" comme elle le dit à Erich, un plouc richissime du Minnesota, président honoraire de cimenteries, qui soi-disant, a un coup de pinceau terrible, avec des titres d'oeuvre terre à terre comme Souvenir de Caroline (sa mère), Labours de printemps ou Moisson. On imagine la révélation au début des années 1980 à la Nouvelle-York, plus préoccupée je suppose par Keith Haring ou Jean-Michel Basquiat, les graffitis, la télévision, la mode ou la publicité. (1)
Le seul intérêt de la peinture d'Erich Krueger est le rapprochement effectué entre Caroline, mère du peintre-éleveur de bétail, représentée devant sa maison, sur une balancelle, au soleil couchant, et la jeune néo-yorkaise. Celle qui a une licence en art s'extasie: "Magnifique. Absolument magnifique", avant de tomber, complètement absorbée, sur l'auteur lui-même. Quoi de plus épatant qu'une rencontre commençant comme un accident? Erich est bien sûr stupéfait par la ressemblance à sa mère et lui met le grappin dessus immédiatement.
MHC., la narratrice, discerne encore une trace de mélancolie dans ce tableau-ci, "une impression particulière de solitude autour de la jeune femme." Mais l'appréciation sert à l'histoire bientôt ténébreuse du roman et non au monde de l'art. Là est le premier hic du récit: la platitude des descriptions artistiques et l'absence de crédibilité du meilleur peintre du dimanche du Minnesota. (2) Or, le rapport des Américains à la nature en cette période ne se résume pas à une admiration champêtre outrée, loin de là.
(1) On a une bonne idée de l'ambiance artistique néo-yorkaise et plus précisément celle de Greenwich-village, dans Esclaves de NY (1989), film de James Ivory, certes plus tardif mais toujours pertinent, à mon sens.
(2) Une fois dans le Minnesota, Erich montrera à sa femme une "scène de printemps, un veau nouveau-né à moitié caché dans un creux, la mère attentive à ses côtés..." renfermant selon la narratrice "l'atmosphère d'une scène de la Nativité" (sans rire), ou bien une des toiles qu'il compte exposer à Houston: la Pourvoyeuse ("un nid en haut d'un orme")... "L'extraordinaire talent" de l'artiste "savait à la fois saisir la simplicité de la vie quotidienne et les émotions qu'elle suscitait."
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