lundi 11 mai 2015

La vie génialement castrée de Will (2)



La scène de rupture est ô combien caractéristique de la mentalité féministe profondément intégrée par les uns et par les autres aux Etats-Unis: de fait, l'homme est la femme et la femme est l'homme. Skylar est une Américaine tout ce qu'il y a de plus mâle, c'est-à-dire une Américaine: elle parle haut et fort, elle a toujours quelque chose à répliquer, sûre d'elle-même, elle prend des initiatives, elle sait où elle va, elle définit l'avenir; c'est l'homme d'autrefois. C'est elle qui, revenue vers lui, laisse à Will un numéro de téléphone; il a beau se vanter auprès du chevelu par la suite, il n'a pas fait grand chose pour le lui arracher. Dans une autre scène, Will est apparemment séduit de voir manger sa petite chérie comme une dégueue. La féminité américaine est quelque chose de grossier et masculin: faut aimer...

Harvard n'étant pas assez bien pour elle sans doute, elle a décidé de partir en Californie. Le pouvoir psychologisant des femmes prend alors tout son sens dans les quelques répliques suivantes, prononcées dans une chambre... laquelle? Celle de la fille-mec, évidemment:
-J'ai juste envie que tu viennes en Californie avec moi.
-Je ne peux pas partir.
-Mais pourquoi?
-Mais enfin, j'ai un boulot et aussi, je vis ici.
...Ecoute, si tu ne m'aimes pas, tu devrais me le dire parce que... De quoi as-tu si peur?

Dans Le Lauréat, film américain des années 60 qui montre l'éducation sentimentale et sexuelle d'un brillant étudiant amerloque soixante-huitard joué par le jeune Dustin Hoffman, c'est l'homme tel qu'on l'on conçu pendant des siècles qui apparaît encore. Il agit, il change les choses. Il est agi certes par la vampiresse Madame Robinson mais elle ne fait que remplir un office d'éducatrice, pas de castratrice; elle n'exige pas d'amour de lui. Benjamin se battra pour séparer la mère et la fille et enlever la superbe Elaine (Katherine Ross). Il y avait une rivalité normale entre les deux femmes; l'homme était encore le centre du monde.

Dans Will Hunting, le jeune prolo, qui est à l'aise dans son quartier n'est rien socialement mais même physiquement en dehors; pour devenir un soi-disant génie, il doit passer sous les fourches caudines du fémininement correct. Dommage que le film n'ait pas tourné autour de cette opposition, n'ait pas plongé dans ce qui reste de poches patriarcales ou machistes dans ce pays. Ce sont deux jeunes hommes de la classe moyenne qui ont écrit ce scénario hyper-féminisé dans lequel ils se projetaient apparemment sans problème en tant qu'acteurs... Parents divorcés pour l'un et pour l'autre, comme de bien entendu; la mère de Ben était institutrice, la mère de Matt est, lit-on, "spécialiste en éducation de l'enfant": l'horreur intégrale!

Will se récrie: tu as voulu te taper un petit prolo musclé avant de partir, c'est ça? Et de fait, Matt Damon se lève du lit et montre ses pectoraux enflammés. Mais c'est une gonzesse qui parle... Il ne contrôle pas la situation, il la subit. S'il était homme, il dirait: Tu veux te barrer, barre-toi. Moi, je reste ici. Il la réduirait à ce qu'elle est, à son caprice, à sa bêtise. Mais comme il s'attache pour la première fois (sortez la guitare sèche), toute l'enfance malheureuse lui remonte au nez, vous comprenez? Dans la psychologie féminine contemporaine, on s'aime à trois: les deux amants plus le thérapeute car l'homme finalement, n'est pas assez couillu pour imposer sa vision des choses.

Ce départ absurde de Skylar peut se lire aussi comme une métaphore matérielle à peine voilée: le jeune et talentueux Matt Damon, natif de Cambridge, Massachusetts, rejoint Hollywood, ses films juteux et ses sirènes mariées dix fois. Ce départ encore une fois correspond aux nouveaux stéréotypes féministes: en partant seule, elle surmonte virilement sa souffrance par le désir de réussir, tel Louis XIV obligé d'oublier son amour de jeunesse pour le bien de l'Etat. Matt, l'homme, s'il reste seul, est déchu, comme une femme d'autrefois.

Au début du film, en tous cas, il n'était pas question de son enfance malheureuse, on ne voyait pas Will malheureux, se droguant ou buvant comme un trou. Il avait l'air parfaitement normal. Il n'est pas timide (double scène de bar); il rentre se coucher tôt parce qu'il est fatigué. Il n'a, à vrai dire, pas de profondeur psychologique. Il apprend frénétiquement, s'intéresse à tout. Au tribunal, il se défend bec et ongles car il connaît, semble-t-il, là aussi, le droit du Massachusetts! On décèle un automatisme de défense, certes, et après? Il se défend contre un monde qui n'est pas le sien. Le sujet du film, intéressant, eût pu être la vie d'un vaurien, ou le génie d'un prolo dans un monde frelaté. Le sujet est l'amour, tel que le conçoit la classe moyenne "éduquée" aux Etats-Unis. Les deux copains dans la vie Matt Damon et Ben Affleck, ont projeté leur propre éducation materno-féministe dans le script et ce faisant, conçu un "drame" comme ils disent là-bas, d'une convenance exemplaire. Tant pis, ils étaient pourtant bien partis pour se foutre de la tronche des psy...

Le père de substitution de Will; en fait: sa mère. Tu aimeras et suivras la fille qui ressemble à Minnie, mon fils: la psychologie débile et l'amouuuuur incarnés par une anglo-américaine qui étudie partout et nulle part.

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