lundi 4 janvier 2016

L'Etrange Monsieur Dring (3)



En sortant, Mlle Gervaise croise une poignée de collègues devant la bonbonne d'eau.

-Ca commence à chauffer dans le bureau de Raclure de fion! lance l'un d'eux.
-Bibendum se déchaîne?
-Encore un point en moins pour le commerce extérieur bientôt!
-Paranoïaque et Fini à la pisse. Résultat: un Fonctionnaire de plus.
-Ils ne pouvaient pas l'éliminer discrètement à l'Armée, bon Dieu?
-Il ne fichait rien là-bas, il restait dans les bureaux à piquer des crises.
-Le fléau du Pacifique, le descendant de Fletcher Christian, l'horrible monstre de Pitcairn...  Quand est-ce qu'on va se débarrasser de lui, nom d'un chien? reprend celui qui avait démarré la conversation, un nommé Jacques.
-La Petite Terreur est protégée, vous le savez bien.
-Eh oui, l'enfant joufflu gâté du Commerce extérieur est précieux.
-Ca fait cinq ans qu'on ne peut pas se débarrasser de lui, ajoute Mlle Gervaise.
-Pourquoi souriez-vous comme ça, Mlle Gervaise?
-Devinez.
-Vous... vous lui avez pris son fétiche? Oh non!
-Vous voulez vraiment le tuer, vous!
-C'est la bonne méthode.

Dans son bureau, Monsieur Dring s'est levé de son siège, pris de certaines convulsions difficiles à réprimer... "Vous devez m'excusez... je maîtrise cet entretien... cette femelle hybride me rend fou, enfin, je veux dire, c'est une abrutie qui ne voit pas son propre intérêt... ne sortez pas, ne faites pas comme elle"... Il tournoie vers les fenêtres, tentant de se plier en deux vers le sol.
-J'ai très envie de partir, au contraire! Vous n'êtes pas normal! lui répond le représentant.
-Oh! ouf, pff... Monsieur Dring avait visiblement commencé un exercice fatiguant consistant à étirer ses bras dodus vers le sol. Environ 20 cm les séparaient encore de la pointe de ses chaussures. Sa chemise blanche était sortie de son pantalon à l'arrière, révélant des poils en tous sens. Il se redressa un instant et regarda son hôte, prenant appui sur le rebord d'une fenêtre.
-Cette femme, que dis-je, cette immonde féministe ferait n'importe quoi pour me discréditer, Monsieur Dubois. Je suis, ouf, le meilleur représentant de la France à l'étranger. Si vous êtes, ouf, Français et fier de l'être, je peux vous garantir, pfou, que nous allons nous entendre. Sinon, je vous considère comme un raté. Je veux dire, ouf, que vous allez rater une occasion de mettre en avant vos propres intérêts. Je ne peux pas, ouf, supporter une chose pareille...
-Mais il est complètement taré... je n'ai jamais vu ça, persifle Monsieur Dubois qui hésite encore à partir.
-Veuillez m'excuser, il faut, ouf, que je termine mes exercices, Monsieur Dubois. Je suis à vous dans quelques minutes. Pffou... Monsieur Dring reprend alors sa position précédente et étire dans la douleur ses bras enveloppés des courtes manches de sa veste d'où sortent deux mains potelées légèrement tremblantes. L'effort est palpable sur sa physionomie.

Se redressant lentement, le souffle haletant, il arrache presque sa veste puis va chercher sous une armoire un extenseur à pieds, le montre vaguement à Monsieur Dubois qui s'apprête à sortir. Monsieur Dring se laisse tomber sur le sol, enlève ses chaussures, enfonce rageusement ses pieds dans les étriers et commence à tirer le tendeur à toute force, provoquant d'affreux grincements humains. "La France... je dois... grrnn..." entend-on à peine. Les dents serrées, Il n'a toujours pas enlevé ses lunettes rondes sur lesquelles dégoulinent de grosses gouttes de sueur. Lâchant le tendeur au bout de 30 secondes, il s'écroule à l'arrière avec un gros choc.

(à suivre)

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